L'escalier ...

 

 

 

Prologue :  Mr H. était quelqu’un de très agréable à fréquenter, la quarantaine, assez grand et doté d’une bonne constitution physique il a toujours eu l’esprit clair et le cœur joyeux. C’était un aventurier doté d’une grande culture scientifique. Athée dans l’âme, il fondait tout ses raisonnements sur la logique et n’était pas un de ces incrédules à l’esprit fragile impressionnable par le genre de choses bizarres que l’on peut parfois entendre dans les vieilles légendes ; pourtant le manuscrit qu’il écrivit au terme de son voyage dans l’île d’E. au large de l’Ecosse révèle une des histoires des plus singulières qu’il m’ait été donné de lire. La voici …

 

« J’aime tant la Nature, l’Aventure, les sciences que pour moi il n’est rien de plus agréable qu’une jolie petite balade improvisée dans un lieu insolite ; d’ailleurs, j’ai toujours eu l’habitude de faire annuellement un petit voyage me permettant de découvrir les aspects un peu insolites des pays que je traverse. Cette année, j’ai choisi l’Ecosse et plus particulièrement l’île d’E. à quelques dizaines de kilomètres de ses côtes. Nous sommes en plein été et le soleil est au beau fixe, l’île d’E. n’est pas à proprement parlée très habitée mais elle possède quand même un minimum de population pour une superficie assez élevée ; c’est une île assez montagneuse ou la végétation règne en maître ce qui fait d’elle une île au caractère assez sauvage. Je suis arrivé par bateau depuis l’Ecosse et le voyage fut assez éprouvant à cause d’une mer relativement agitée et ce malgré un climat favorable. Ce qu’il est bon et agréable d’apprécier un paysage aussi fantastique aussi beau après cela ; la chambre de ce médecin est décidément bien belle, quel contraste avec ces souvenirs; oui, quel contraste... C’était il y a cinq jours, j’avais réservé une chambre chez un modeste aubergiste, je m’installais donc confortablement chez lui me préparant à vivre des journées merveilleuses à explorer la nature sauvage environnante. La journée et la nuit se passèrent fort bien, c’est le lendemain que tout se gâta ... »

 

 « Je profitais de la douceur du lendemain pour aller me promener remerciant le ciel d’avoir fait une journée aussi belle. Je remerciais aussi mon hôte pour le formidable accueil qu’il me témoignait en acceptant de me fournir le gîte et le couvert contre une contribution aussi faible. Je partis avec des provisions dans le sac à dos comme j’en avais l’habitude car je dois avouer que j’étais du genre aventurier précautionneux et que je ne partais jamais en balade sans amener avec moi de quoi subsister pendant plusieurs jours : mon sac à dos comprenait d’ailleurs tout l’attirail du parfait Robinson, c’est à dire couteau, jumelles, boussoles, allumettes, crayon, papier, lampe de poche, boite d’échantillonnage etc… Je me rappelle fort bien de cette journée…

Il faisait très chaud et le soleil montant je suais de plus en plus, pourtant ce n’était pas ce qui m’incommodait le plus, j’avais en effet une espèce de peur permanente qui occupait sans cesse le fond de mes pensées, une peur incompréhensible étant donnée la situation ; nullement perdu, je profitais d’un temps superbe et me sentais physiquement en pleine forme, alors à quoi était elle du ? Je n’aurais su le dire... Après plusieurs heures de marches, j’atteignis une petite vallée encaissée ; alors que je scrutais celle ci avec mes jumelles, j’aperçus sur le versant opposé au soleil dans un renfoncement une tache brunâtre parmi la végétation, celle ci semblait s’obscurcir pour reprendre sa couleur plus loin. Je décidais donc de gagner un point d’observation plus approprié afin de mieux détailler mon observation, ce que je découvris me laissa pantois : la végétation sur la parois à cet endroit assez abrupte de la vallée, semblait dépérir autour d’une ouverture dans la partie rocheuse de la vallée : une grotte !  Lorsque je la vis, une étrange impression de malaise me prit à la gorge et mon sentiment de peur s’accrut, je ne put réprimer un frisson. Si seulement j’avais écouté ma raison, si seulement j’étais retourné sur mes pas, si seulement j’avais pu… Nul doute que cette sensation de malaise devait voir son origine avec le mauvais voyage que j’avais effectué la veille, quant à ce dépérissement floral prés de la grotte, il devait tout simplement provenir d’une espèce minérale présente dans les environs ; je retrouvais mon aplomb et me décidais à aller explorer cette grotte qui semblait tant influer mes pensées et se plaisait à être l’objet des choses les plus horribles de mon imagination. Il n’y avait aucun sentier menant à celle ci, le trajet était difficile et je dus m’y reprendre à plusieurs fois pour ne pas m’écarter du cap que je m’étais fixé, la végétation était drue et plus j’approchais plus celle ci semblait dépérir, se rebeller, se métamorphoser, se protéger … : les plantes avaient des épines de plus en plus longues, nombreuses et pointues ; les lierres et branches étaient de plus en plus nouées et tordues ; ça et là des plantes portaient de longues plaies béantes d’ou s’écoulait une sève noirâtre ; quant aux autres variétés elles étaient rachitiques, torturées, mourantes. Je sentais l’inquiétude refaire surface et les gouttes de sueur qui perlaient sur mon front n’étaient plus dues uniquement à la position du soleil au zénith, malgré tout la raison repris le dessus et je continuai mon chemin. C’était étrange, oui, vraiment étrange : le silence se faisait de plus en plus prononcé, comme si les animaux même semblaient fuir ce lieu, comme si toute vie, quelque qu’elle soit répudiait cet endroit…

J’arrivais, oui j’arrivais bien malgré moi à cette grotte, et la première impression que j’en eu me cloua sur place : j’avais peur ! Imaginez, imaginez un trou béant dans une parois rocheuse comme une plaie béante camouflée par des squelettes décharnées de plantes noirâtres à l’agonie, imaginez la roche constituant le pourtour de ce trou, cette bouche, imaginez ces roches boursouflées comme ayant subi mille convulsions avant de s’être figées dans cette impression de terreur comme si même l’inanimé pouvait subir la peur, la terreur de ce qu’il y a dans ce gouffre sans que même l’érosion ne parvienne à en effacer l’image.

On efface pas des années de raisonnement logique et scientifique si facilement ! Après quelques minutes passées à faire le point je parvins à me reprendre, à reprendre le cours normal de mes pensées ; il fallait que j’en ai le cœur net, que je démystifie cette terreur injustifiée qui m’assaillait, je ne pouvais m’avouer vaincu devant … cette peur ?!  Il fallait que j’entre, oui, que j’entre, que … j’entre…

Le temps se passa, malgré toute ma raison j’hésitais ; je ne pouvais détacher mon regard de l’horrible ouverture, j’avais beau me convaincre de l’absurdité de ma peur, je n’arrivais pas à entrer. Pourtant d’un revers de volonté et après un dernier regard sur le soleil je pénétrais dans la grotte…

 

L’intérieur de la caverne fut moins terrible que ce à quoi je m’attendais, à quoi cela était il du ? Je ne saurais le dire : peut être la relative fraîcheur qu’il y régnait en était il la raison,  peut être le fait de ne pas voir cette végétation torturée qui parsemait l’extérieur y contribuait il également ou peut être l’obscurité naissante qui y régnait était pour moi comme une couverture, un refuge m’empêchant de distinguer nettement les contours convulsés de la roche formant les parois de la grotte.  Toujours est il que j’appréciais ce changement même si l’impression de malaise persistait toujours : j’en profitais pour faire le point : la cavité avait un diamètre apparent d’environ 3 mètres, la roche formait ça et là de monstrueuses protubérances comme d’incompréhensibles tortures rendues visibles par l’ouverture proche. L’obscurité si elle était présente était cependant loin d’être totale, la visibilité portait à plusieurs mètres à l’avant, quant à la grotte en elle même elle s’enfonçait droit devant moi sans que je puisse en apercevoir le fond.

Mon raisonnement scientifique prenant le dessus je me demandai comment cette grotte avait pu se former, c’était incroyable, cela paraissait tellement … irréel. J’avançais lentement, m’enfonçant à chaque pas de plus en plus en son cœur ; mes pas résonnaient, de l’humidité suintait le long des murs bosselés, ma respiration était saccadée et j’haletai malgré moi : j’avais beau examiner attentivement la concavité au fur et à mesure de ma progression, je n’apercevais aucune marque d’une quelconque occupation humaine passée, rien, même pas une ancienne présence animale : comme si cette caverne était restée vierge d’occupation depuis sa création ce qui me semblait impossible, les conditions extérieures sur cette île pouvaient parfois être si terribles que certaines bêtes ou même certains hommes avaient forcément du éprouver le besoin à un moment ou l’autre de s’abriter des rigueurs du climat ; pourtant, si cela avait été le cas il n’en restait désormais plus aucune traces . Rien, rien, rien…

Je me retournai et distinguai à une cinquantaine de mètres l’ouverture de la grotte, la lueur du jour qui en émanait paraissait d’ici bien pâle, je ne put réprimer un frisson en pensant à cette obscurité qui me paraissait si malsaine alors que dehors régnait la lueur bienveillante du jour ; la température ambiante était assez fraîche mais sans excès, quant à l’environnement sonore il n’y avait ici aucun, rien, pas un son, ce qui somme toute était assez normal . Décidé d’en avoir le cœur net malgré cette peur qui commençait sérieusement à me tenailler, je continuais ma progression plus décidé que jamais à résoudre le mystère de cette grotte .

J’avançais… Cela devait déjà bien faire plus d’une dizaine de minutes lorsque je m’arrêtai net : devant moi se tenait une série de marches descendantes dont je n’en voyais pas le terme ; semblant surgir de nulle part elles s’enfonçaient dans le sol accompagnant la caverne dans une plongée qui paraissait partir pour le cœur de la montagne. Je me retournai de nouveau pour constater que l’ouverture de la grotte n’était plus visible, je pris soudain conscience que j’aurais du être dans le noir complet, au lieu de cela il régnait ici une faible lueur diffuse rougeâtre me permettant de distinguer les marches jusqu’à deux ou trois mètres devant moi. D’ou pouvait provenir une telle lueur ? Nul doute qu’une variété de champignons microscopiques poussant sur les parois devait en être à l’origine , malgré sa faible intensité et son aspect diffus elle avait au moins le mérite de me faire distinguer le contour des marches les plus proches qui s’étalaient devant moi. Une étrange angoisse m’envahit ;cette grotte me paraissait vraiment des plus singulière ; voilà qu’après s’être enfoncée de plusieurs centaines de mètres dans la montagne sans aucune bifurcation et tout en gardant le même aspect elle se transformait maintenant en un escalier descendant droit je ne sais ou pour je ne sais quelle utilité. Des parois des plus étranges, une lueur diffuse assez mystérieuse, et maintenant un escalier, un escalier ?! Dans une grotte ? Mais pourquoi et à quelle utilité ? J’examinai les marches : je constatai avec surprise qu’elles étaient du même modèle que les parois :ne semblant pas avoir été taillées par les Hommes, la roche les constituant formait elle aussi des formes convulsionnées, boursouflées comme ayant été soumises à des tortures et des contraintes dépassant toute entendement, le simple fait de les détailler me fit frémir d’horreur, je continuai néanmoins à les examiner : de traits des plus irréguliers, elles avaient toutes des dimensions plus ou moins semblables : une longueur d’environ deux mètres, une largeur de trente à quarante centimètres et une hauteur de quinze à vingt centimètres ; je m’abaissai pour les toucher et constatai que leur texture, contrairement à celle de la roche : lisse, était ici légèrement rugueuse , brrr, le contact était froid et très désagréable au toucher ; je me remis rapidement debout.

Cet endroit me paraissait décidément de plus en plus antipathique, cette crainte et cette angoisse qui m’étreignaient et qui n’avaient jamais été dans mes habitudes me pesaient de plus en plus et j’eus le plus grand mal à me contenir pour ne pas faire demi tour sur le champ.

Je repris donc ma descente la gorge nouée et des pensées des plus étranges à l’esprit cherchant sans répit toute trace de logique et de raison dans ce qui me paraissait de plus en plus n’être qu’une œuvre de cauchemar. Oui, je commençais à avoir peur mais le scientifique dans l’âme que j’étais toujours en quête de mystère et d’inconnu ne pouvait se rebuter à l’idée d’explorer une grotte et son escalier si étranges étaient ils même si la perspective de descendre vers cet inconnu m’était de plus en plus insupportable . J’essayai par conséquent sans cesse de me convaincre que tout cela devait avoir une explication des plus rationnelle qui m’avait échappée jusqu’à présent et lorsque celle ci me serait connue alors tout cela ne deviendrait pour moi qu’une anecdote des plus risible, mais je ne trouvais rien, et en attendant…

Cela faisait maintenant des heures et des heures que j’avais entamé la descente de ce mystérieux escalier, la fatigue se faisait sentir à chaque marche plus présente, j’avais mal aux genoux et aux cuisses et, qui plus est, je commençais à perdre la notion du temps mais résolument je continuais, l’escalier demeurait toujours identique présentant toujours le même forme : rien n’aurait pu indiquer que je me trouvais ici ou seulement au début de ma descente, c’était effarant. Pourtant j’avais remarqué une chose, l’escalier ne semblait pas descendre en ligne droite : j’avais l’impression qu’il était légèrement, très légèrement courbé : comme si celui ci formait un gigantesque escalier en colimaçon dont le diamètre devait avoir plusieurs centaines de mètres, mais je n’avais aucun moyen de le vérifier. Je frémissais au nombre de marches que j’avais déjà descendu et à la profondeur que je devais avoir atteint, les questions fusaient sur l’origine de cet escalier et surtout sur son utilité : à quoi bon descendre sous terre aussi bas : pour se protéger, se cacher ? Mais de quoi ? Ou de qui ? A moins que ce ne soit pour cacher quelque chose, mais quoi : un trésor, un autel, une cité ? Pfff, tout cela était ridicule ! Ma jambe droite fléchi et je failli m’étaler le long des marches, j’en profitai pour m’asseoir sur l’une d’entre elle et me reposer un peu : je grignotai quelques barres de céréales qui me donnèrent un peu de vigueur et du baume au cœur. Quel ridicule m’avait pris de m’inquiéter, certes, cet escalier creusé dans la roche était surprenant, et alors ? A y réfléchir y avais je rencontré quelque chose de réellement inquiétant ? Probablement aura t’il été creusé par une civilisation ancienne particulière à cette île dans un but sans doute religieux, c’est tout… Alors que je m’apprêtais à me relever, je pris conscience d’un léger changement, il y avait une légère odeur âcre qui flottait dans l’air, celle ci était à peine perceptible et j’avais du mal à la définir, pourtant je la sentais; lorsque je m’appuyais sur le mur pour me relever, je pus percevoir un suintement sur celui ci, certes, le contact de la roche était toujours légèrement rugueux et désagréable, mais il y avait par endroits quelques gouttes d’un liquide dont le contact était assez visqueux tout en restant bien fluide, l’odeur devait provenir de celui ci. Cela était sûrement du pétrole, à cette profondeur il y avait des nappes et l’escalier devait en traversait une qui s’infiltrait par endroit dans la roche. Il me fallait être très prudent, car le pétrole très inflammable pouvait transformer toute cette partie de l’escalier en piège mortel si par malheur je mettais par mégarde le feu à ces coulées. L’obscurité était toujours aussi tangible malgré la faible lueur diffuse : je pris un flacon d’échantillonnage dans mon sac à dos et dans le but de vérifier ma théorie plus tard lors de mon retour à la civilisation, je parvins à récupérer quelques précieuses gouttes du fluide; j’en profitai également pour extraire avec le plus grand mal un minuscule fragment de la roche que je glissai également dans le flacon; puis je glissai précautionneusement celui ci dans ma poche. Ce nouvel élément d’information m’avait un peu troublé, mais rassuré par la perspective d’en apprendre plus sur cette étonnante formation géologique lors de mon retour et revigoré par les quelques barres de céréales au chocolat que je venais d’ingérer je me mis de nouveau en route ; de plus j’avais aussi le sentiment que le terme de cet escalier ne devrait plus tarder... Tout du moins je l’espérais car la perspective de devoir remonter toutes ces marches ne m’enchantait guère, alors plus vite arrivé, plus vite remonté, d’autre part si j’avais regagner un peu de confiance en moi et réussi à occulter une partie de cette peur latente qui semblait m’accompagner depuis le début de l’entrée dans cette grotte, je n’en avais pas moins envie de la quitter au plus vite : mais sans auparavant être arrivé au terme de celle ci... J’accélérais le pas…

 

Combien de temps cela faisait il ? Je ne savais plus, plusieurs jours probablement ; j’avais épuisé mes dernières réserves d’eau et de nourriture et toujours je descendais, mes pas ne me portaient plus que par automatisme, le peu de raison qu’il me restait n’était présent que par intermittence. Je progressais comme un zombie, des faits étranges et nouveaux avaient fait leur apparition quelques temps auparavant, mais j’étais mu comme par une force invisible. J’avais essayé de faire demi tour bien avant mais je n’avais pu, j’étais comme envoûté ; je n’avais plus d’espoir de revoir un jour la terre du haut, une force incroyable avait annihilé le peu de volonté qui me restait et impuissant face à elle je continuais mon chemin dans cet escalier qui devait certainement me mener à une mort certaine…  J’attendais la mort comme une délivrance, les choses qui se passaient autour de moi étaient si horribles que je ne voulais y prêter mon attention : cela avait commencé par une espèce de son très aigu, à peine perceptible, puis celui ci s’était amplifié au fur et à mesure de ma descente jusqu’à ce que je m’aperçoive qu’en fait de sons, il s’agissait de plaintes, de longues plaintes sinistres et aiguës, si terrifiantes que je m’étais bouchés les oreilles avec des boulettes de papier pour ne pas les entendre : elles semblaient venir de partout et de nulle part, elles exprimaient ce qu’il y a de plus horribles : tristesse, souffrance, douleur… rien ne pourra jamais les imiter et je sais que si j’avais pu m’en sortir alors elles auraient hantés mes jours et mes nuits à jamais. Je puis les entendre, en ce moment même, elles m’accompagnent tout au long de ma descente sans jamais me quitter, j’ai depuis longtemps épuisé mes larmes et me suis habitué à cette terreur qui ne me quitte plus, la mort ne m’apparaîtra que comme une libération et au moment ou je sais que j’arrive enfin au terme de tout ceci je l’attends avec impatience . Même les parois semblent avoir changées, je ne les regarde pas car je sais qu’un seul coup d’œil direct suffirait probablement à me faire perdre la raison : j’aperçois à la périphérie de ma vision des mouvements, je ne sais ce qui compose cette roche mais elle semble vivante, je la vois se tortiller, former des formes si horribles, si monstrueuses que je ne puis les décrire, si l’horreur avait une image ce serait celle ci… Un liquide glauque et rougeâtre coule par endroit, tantôt en cascade, tantôt par filets, tantôt par acoups ; j’entends parfois comme un gargouillement sinistre et je patauge dans ce qui semble être des marres de sang. La lueur diffuse et rougeâtre est beaucoup plus vive qu’avant, elle semble mettre en avant toute l’horreur de la situation, semblant venir de partout, elle colle à la peau et loin de me rassurer, elle ne fait qu’accroître mes frayeurs, comme l’obscurité me paraîtrait bien plus supportable... Je reste bien au milieu de l’escalier, fixant droit devant moi le point le plus obscur que je puis trouver, j’essaye de me focaliser sur celui ci, je ne veux entendre ces hurlements plaintifs, je ne veux voir ces formes indicibles, ces flots de sang, quant à l’odeur … J’ai bouché mes narines depuis bien longtemps également, je ne respire que par la bouche, c’est une odeur de mort, de terreur qui plane ici, une odeur indescriptible d’une puanteur inimaginable : chaude et suintante, elle semble vous coller à la peau vous étouffant, vous empêchant de respirer, si dense qu’elle pourrait vous noyer dans un crachat de dégueulis. Il fait chaud, je sue, tout est moite, même l’air est visqueux et nauséabond, j’ai du mal à respirer, je vais m’écrouler d’une minute à l’autre, je survis malgré moi, jusqu’ou le cauchemar va t’il continuer, jusqu’ou…

 

Je, ça y est, j’aperçois une lueur au bout, l’escalier arrive à son terme, enfin, enfin, la mort est proche… Les hurlement sont plus forts, plus lugubres que jamais, j’approche, j’approche encore, il y a une ouverture, je distingue une grosse lueur rougeâtre, palpitante, on dirait du feu, des flammes, plus qu’une vingtaine de mètres : mon Dieu, des flots de sangs jaillissent des parois et se déversent par l’ouverture, l’odeur est plus forte, plus horrible que jamais, aux hurlements et plaintes se sont ajoutés des craquements, des cris, c’est assourdissant ! Mes oreilles, nooonnn, mes yeux, que, ce n’est pas possible, tout mes sens n’expriment que la peur, l’Horreur, la Terreur, la Mort … Les parois se convulsent, se tortillent, les marches bougent, palpitent, des formes boursouflées naissent et meurent, je m’approche encore, je vais voir, l’ouverture, nooonn, ce, ce , ce n’est pas possible, un gouffre, plus que quelques mètres, des tourbillons de vapeur rougeâtres, des vents violents, c’est l’ouragan ici ! Je suis agité en tout sens, noonnnn, je dois lutter pour voir jusqu’au bout, je vais mourir ! Mais je veux voir, qu’est ce ce …. Noooonnnnn, nnooooooooooonnnnnnnn, des flammes, du sang, la pestilence partout, partout, partout, noonnnn, nnnnnoooooonnnnnnnn, l’ennnnnffffffeeeeerrrrrrr, c’est, c’est , c’est l’ EEEnnnffffffferrrrrrrrrrrrrrrrrrr… !!!!!!!!  »

 

« Et voilà, je me suis finalement réveillé dans un lit, chez un médecin, il s’est passé cinq jours depuis mon départ, on m’a retrouvé inconscient étendu sur le sol en état de déshydratation avancé non loin de la paroi rocheuse ou se trouvait la caverne, ou plutôt devait se trouver la caverne car au dire des habitants de la région il n’y a jamais eu de caverne ici ; ce qui m’a rassuré je dois l’avouer. Je me suis probablement heurté la tête quelque part et j’aurais fait ce cauchemar. D’ailleurs je ne me rappelle plus grand chose de celui ci hormis ce que je viens de retranscrire : je me rappelle qu’après avoir vu le gouffre vers l’enfer ou je n’ai plus aucun souvenir de ce qu’il y avait dedans, je me suis jeté sur le sol à genoux et j’ai prié, prié, prié comme jamais je ne l’ai fait avec une Foi que je ne m’aurais jamais cru avoir. Puis je me suis évanoui… Brrr, comment l’esprit peut il synthétiser des choses si horribles, et surtout pourquoi ? Quel cauchemar !!! Je ne sais pourquoi j’ai éprouvé ce besoin de le retranscrire, mais ce que je crois c’est qu’il doit y avoir une signification ; oui, reste toutefois à savoir laquelle …  Tiens ? Qu’ai je donc dans ma poche ?… mais, mais c’est, je … ce, ce, ce n’est pas possible, non, oh nooonnnn !!! Mais alors, mais alors … Tout ceci n’était pas un rêve !!!!! Non ! Noonn !! Nooooonnnnnnnnnnn……… »

 

 

Epilogue : Mr H. est désormais interné à l’hôpital psychiatrique de S. depuis qu’on l’ a retrouvé dans la chambre de son hôtel sur l’île d’ E. Il était en effet dans un état des plus singulier : prostré dans un coin de sa chambre, il hurlait de terreur et de peur les yeux exorbités, fixant un objet qu’il avait jeté dans le coin opposé : un flacon d’échantillonnage dans lequel on retrouva quelques gouttes de sang humain et un fragment d’os…
 

                                                                                                     Henael

 

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